Séquence 5 : La poésie amoureuse
Louise Labé, Sonnets (1555)
Lecture
analytique 1 : Sonnet VIII
Je vis, je meurs ; je me brûle
et me noie.
J'ai chaud extrême en endurant
froidure ;
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de
joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment
j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il
dure ;
Tout en un coup je sèche et je
verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me
mène ;
Et, quand je pense avoir plus de
douleur,
Sans y penser je me trouve hors de
peine.
Puis, quand je crois ma joie être
certaine,
Et être au
haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
SONNET II (texte
complémentaire)
Ô
beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô
chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô
noires nuits vainement attendues,
Ô
jours luisants vainement retournée !
Ô
tristes plaints, ô désirs obstiné,
Ô
temps perdu, ô peines dépendues,
Ô
pires maux contre moi destiné !
Ô
ris,ô front, cheveux bras mains et doigts,
Ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant
de flambeaux pour ardre une femelle !
De
toi me plains, que tant de feux portant,
En
tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en
ai sur toi volé quelque étincelle.
SONNET XXIV (texte complémentaire
Ne reprenez, Dames, si j'ai aimé,
Si j'ai senti mille torches ardentes,
Mille travaux, mille douleurs mordantes.
Si, en pleurant, j'ai mon temps consumé,
Las ! que mon nom n'en soit par vous blamé.
Si j'ai failli, les peines sont présentes,
N'aigrissez point leurs pointes violentes:
Mais estimez qu'Amour, à point nommé,
Sans votre ardeur d'un Vulcain excuser,
Sans la beauté d'Adonis accuser,
Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses,
Si j'ai senti mille torches ardentes,
Mille travaux, mille douleurs mordantes.
Si, en pleurant, j'ai mon temps consumé,
Las ! que mon nom n'en soit par vous blamé.
Si j'ai failli, les peines sont présentes,
N'aigrissez point leurs pointes violentes:
Mais estimez qu'Amour, à point nommé,
Sans votre ardeur d'un Vulcain excuser,
Sans la beauté d'Adonis accuser,
Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses,
En ayant moins que moi d'occasion,
Et plus d'étrange et forte passion.
Et gardez-vous d'être plus malheureuses !
Et plus d'étrange et forte passion.
Et gardez-vous d'être plus malheureuses !