mardi 11 juin 2013
lundi 10 juin 2013
S8 : Autres aventures poétiques et expériences de jeunesse (2)
S8 : Autres aventures
poétiques et expériences de jeunesse (2)
Verlaine a publié ce poème à l’âge de 19 ans. On peut le mettre en
relation avec « À la musique » de Rimbaud.
Monsieur Prudhomme1
Il est grave : il est maire et père de famille.Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux,
Et le printemps en fleur sur ses pantoufles brille.
Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille
Où l’oiseau chante à l’ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille
Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu.
Il est juste-milieu2, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles3,
Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza4,
Et le printemps en fleur brille sur ses pantoufles.
Verlaine, Poèmes saturniens , « Caprices »V (1863)
1. Personnage littéraire représentant le bourgeois satisfait
2. Modéré
3. Grossiers personnages
4. Rhume de cerveau
2. Modéré
3. Grossiers personnages
4. Rhume de cerveau
Le poète approuve l’exil poétique de Rimbaud, pris ici comme symbole de
la résistance au monde souhaitable selon Char pour les jeunes poètes et par extension pour tous les vrais créateurs .
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud!
Tu as bien fait de partir, Arthur
Rimbaud! Tes dix-huit ans réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la
sottise des poètes de Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta
famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du
large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison
d’abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour
l’enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l’âme,
ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c’est bien
là la vie d’un homme! On ne peut pas, au sortir de l’enfance, indéfiniment
étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave
parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses
plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud!
Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.
René CHAR, in « La Fontaine
narrative » dans Fureur et mystère
(1948)
S8 : Autres aventures poétiques et expériences de jeunesse
S8 : Autres aventures
poétiques et expériences de jeunesse
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Rimbaud, Les Cahiers de Douai (1870) poème n° 4
Rimbaud, Les
Cahiers de Douai (1870) poème n° 4
MA
BOHÈME (Fantaisie)
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
Séquence 7- Rimbaud, poème n° 3, Les Cahiers de Douai (1870)
Rimbaud, Les
Cahiers de Douai (1870) poème n° 3
Place de la Gare, à Charleville.
Sur la place
taillée en mesquines pelouses,Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la valse des fifres :
- Autour, aux premiers rangs, parade le gandin;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres ;
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames;
Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : "En somme !..."
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde - vous savez, c'est de la contrebande; -
Le long des gazons verts ricanent les voyous;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
- Moi, je suis débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien, et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- Et mes désirs brutaux s'accrochent à leurs lèvres ... Rimbaud, Les Cahiers de Douai
Séquence 7- Poème 2 : Arthur Rimbaud, « Roman », Cahiers de Douai
Poème 2 : Arthur Rimbaud, «
Roman », Cahiers de Douai
ROMAN
I
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
— Un beau soir, foin des bocks et de la limonade1,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
— On va sous les tilleuls verts de la promenade2
— Un beau soir, foin des bocks et de la limonade1,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
— On va sous les tilleuls verts de la promenade2
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, — la ville n’est pas loin,
— A des parfums de vigne et des parfums de bière...
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, — la ville n’est pas loin,
— A des parfums de vigne et des parfums de bière...
II
— Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur3 sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué4 d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
D’azur3 sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué4 d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! — On se laisse griser5.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague6 ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague6 ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...
III
Le cœur fou Robinsonne7 à travers les romans,
— Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père...
— Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père...
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif...
— Sur vos lèvres alors meurent les cavatines8....
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif...
— Sur vos lèvres alors meurent les cavatines8....
Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
Vous êtes amoureux — Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
— Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire...!
Vous êtes amoureux — Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
— Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire...!
— Ce soir-là... — vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
— On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
— On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
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