lundi 27 mai 2013

Trois poèmes de Louise Labé



Séquence 5 : La poésie amoureuse


Louise Labé, Sonnets (1555)


Lecture analytique 1 : Sonnet VIII
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie.
J'ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.




SONNET  II (texte complémentaire)
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues,
Ô jours luisants vainement retournée !

Ô tristes plaints, ô désirs obstiné,
Ô temps perdu, ô peines dépendues,
Ô milles morts en mille rets tendues,
Ô pires maux contre moi destiné !

Ô ris,ô front, cheveux bras mains et doigts,
Ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant de flambeaux pour ardre une femelle !

De toi me plains, que tant de feux portant,
En tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en ai sur toi volé quelque étincelle.



   
SONNET XXIV (texte complémentaire
Ne reprenez, Dames, si j'ai aimé,
Si j'ai senti mille torches ardentes,
Mille travaux, mille douleurs mordantes.
Si, en pleurant, j'ai mon temps consumé,

Las ! que mon nom n'en soit par vous blamé.
Si j'ai failli, les peines sont présentes,
N'aigrissez point leurs pointes violentes:
Mais estimez qu'Amour, à point nommé,

Sans votre ardeur d'un Vulcain excuser,
Sans la beauté d'Adonis accuser,
Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses,



En ayant moins que moi d'occasion,
Et plus d'étrange et forte passion.
Et gardez-vous d'être plus malheureuses !

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Séquence 5 : LA POESIE AMOUREUSE
S5 : La poésie amoureuse de la Renaissance – Vers le commentaire
Ronsard, Amours à Marie (1555)

Marie, qui voudrait votre beau nom tourner

Marie, qui voudrait votre beau nom tourner,
Il trouverait Aimer : aimez-moi donc, Marie,
Faites cela vers moi dont votre nom vous prie,
Votre amour ne se peut en meilleur lieu donner.

S'il vous plaît pour jamais un plaisir demener,
Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
Pendus l'un l'autre au col, et jamais nulle envie
D'aimer en autre lieu ne nous pourra mener.

Si faut-il bien aimer au monde quelque chose :
Celui qui n'aime point, celui-là se propose
Une vie d'un Scythe, et ses jours veut passer

Sans goûter la douceur des douceurs la meilleure.
Eh, qu'est-il rien de doux sans Vénus ? las ! à l'heure
Que je n'aimerai point, puissé-je trépasser !
Rappel méthodologique
I-     Lire le texte de trois manières différentes en se posant les questions suivantes
1.      Première lecture du texte à commenter : l’identification des caractéristiques générales du poème
1.1.      Quelle forme poétique ?
1.2.     Quelle situation d’énonciation ?  
1.3.     Quel(s) est (sont) le(s) thème(s) du texte ?
1.4.     Quel(les) est (sont) le(s) registres)?
2.  Deuxième lecture : l’analyse stylistique
2.1.      Quelle est la progression du poème ?
2.2       Quels sont les réseaux lexicaux ?
2.3.     Quels sont les  procédés poétiques ?
2.4      Quelles sont les principales figures de style ?
3. Troisième lecture : le plan détaillé
     3.1.        Quelle problématique générale ?
     3.2         Quelles  hypothèses de lecture (sous-axes) puis-je dégager à partir du sujet proposé ?
1)       Comment ce poème invite-t-il  à l’amour
2)       Quelle leçon sur l’amour donne-t-il ?  

séquence 5 textes 1 et 2



Séquence 5 : La poésie amoureuse


Lecture analytique 1 : «  Je vis, je meurs »  Sonnet VIII   
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie.
J'ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.


Louise Labé, Sonnets (1555)

   
Lecture analytique 2 : « Mon rêve familier »
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse?- Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens (1866)