lundi 10 juin 2013

Séquence 6 texte 1-Supplément au voyage de Bougainville



Séquence 6 : Argumenter par la fiction
Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville
Texte 1
Dialogue entre A et B  (fin du 1er chapitre)

A. Ô Aotourou ! que tu seras content de revoir ton père ta mère, tes frères, tes soeurs, tes compatriotes, que leur diras-tu de nous ?
B. Peu de choses, et qu'ils ne croiront pas.
A. Pourquoi peu de choses ?
B. Parce qu'il en a peu conçues, et qu'il ne trouvera dans sa langue aucun terme correspondant à celles dont il a quelques idées.
A. Et pourquoi ne le croient-ils pas ?
B. Parce qu'en comparant leurs moeurs aux nôtres, ils aimeront mieux prendre Aotourou pour un menteur, que de nous croire si fous.
A. En vérité ?
B. Je n'en doute pas : la vie sauvage est si simple, et nos sociétés sont des machines si compliquées ! Le Tahitien touche à l'origine du monde, et l'Européen touche ; sa vieillesse. L'intervalle qui le sépare de nous est plus grand que la distance de l'enfant qui naît à l'homme décrépit. Il n'entend rien à nos usages, à nos lois, ou il n'y voit que des entraves déguisées sous cent formes diverses, entraves qui ne peuvent qu'exciter l'indignation et le mépris d'un être en qui le sentiment de la liberté est le plus profond des sentiments.
A. Est-ce que vous donneriez dans la fable d’Otaïti ?
B. Ce n'est point une fable ; et vous n'auriez aucun doute sur la sincérité de Bougainville, si vous connaissiez le supplément de son voyage.
A. Et où trouve-t-on ce supplément. ?
B. Là, sur cette table.
A. Est-ce que vous ne me le confierez pas ?
B. Non ; mais nous pourrons le parcourir ensemble, si vous voulez.
A. Assurément, je le veux. Voilà le brouillard qui retombe, et l'azur du ciel qui commence à paraître. Il semble que mon lot soit d'avoir tort. avec vous jusque dans les moindres choses ; il faut que je sois bien bon pour vous pardonner une supériorité aussi continue !
B. Tenez, tenez, lisez : passez ce préambule qui ne signifie rien, et allez droit. aux adieux que fit un des chefs de l'île à nos voyageurs. Cela vous donnera quelque notion de l'éloquence de ces gens-là.
A. Comment Bougainville a-t-il compris ces adieux prononcés dans une langue qu'il ignorait ?
B. Vous le saurez.

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