lundi 25 mars 2013

Séquence 4 texte 3



LE MARIAGE DE FIGARO  Texte 3 - Scène 5 Acte III (extrait)
LE COMTE, FIGARO
LE COMTE, à part. Il veut venir à Londres ; elle n'a pas parlé.
FIGARO, à part. Il croit que je ne mis rien ; travaillons-le un peu dans son genre.
LE COMTE. Quel motif avait la Comtesse pour me jouer un pareil tour ?
FIGARO. Ma foi, Monseigneur, vous le savez mieux que moi.
LE COMTE. Je la préviens sur tout, et la comble de présents.
FIGARO. Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?
LE COMTE. ... Autrefois tu me disais tout.
FIGARO. Et maintenant je ne vous cache rien.
LE COMTE. Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle association ?
FIGARO. Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ? Tenez, Monseigneur, n'humilions pas l'homme qui nous sert bien, Crainte d'en faire un mauvais valet.
LE COMTE. Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?
FIGARO. C'est qu'on en voit partout quand on cherche des torts.
LE COMTE. Une réputation détestable !
FIGARO. Et si je vaux mieux qu'elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?
LE COMTE. Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.
FIGARO. Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut courir : on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé. Aussi c'est fait ; pour moi, j'y renonce.
LE COMTE. A la fortune ? (A part.) Voici du neuf.
FIGARO, à part. A mon tour maintenant. (Haut.) Votre Excellence m'a gratifié de la Conciergerie du château ; c'est un fort joli sort : à la vérité, je ne serai pas le courrier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais, en revanche, heureux avec ma femme au fond de l'Andalousie...
LE COMTE. Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ?
FIGARO. Il faudrait là quitter si souvent que j'aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.
LE COMTE. Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.
FIGARO. De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se fit du mien. Médiocre et rampant, et l'on arrive à tout.
LE COMTE. ... Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.
FIGARO. Je la sais.
LE COMTE. Comme l'anglais, le fond de la langue !
FIGARO. Oui, s'il y avait ici de quoi se vanter. Mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore ; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure ! .
LE COMTE. Eh ! C'est l'intrigue que tu définis !
FIGARO, La politique, l'intrigue, volontiers ; mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra ! J'aime mieux ma mie, ô gué ! comme dit la chanson du bon Roi.
LE COMTE, à part. Il veut rester. J'entends... Suzanne m'a trahi.
FIGARO, à part. Je l'enfile, et le paye en sa monnaie.

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